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Nicole Mosconi est décédée le 6 février 2021

Nicole Mosconi a été l’une des premières personnes en France, dans les années 80, à travailler sur les inégalités de sexe dans l’enseignement. Elle a déclenché une prise de conscience chez beaucoup de membres de femmes et maths, notamment sur ce qui se passe dans et autour de la classe de mathématiques, à tous les niveaux.

Nicole Mosconi-Aubineau est née le 2 juin 1942.

Elle est encore petite quand elle entend son père dire : « Bon. On voulait un Jean-Pierre, on a eu « ça  » ». Mais ses parents la chérissent et la soutiendront toujours !

Elle fréquente le lycée Hélène Boucher et suit la classe de philosophie ; cinq des élèves de cette classe sont envoyées en hypokhâgne au lycée Fénelon pour préparer l’École normale supérieure de jeunes filles (ENSJF), quatre y entreront, dont Nicole. À la fin de son année d’hypokhâgne (première année de classes préparatoires en lettres) elle dira à sa grand-mère : « vraiment c’est extraordinaire ce que j’ai appris cette année ! » Durant sa 2e année de classe préparatoire, ses parents l’ont rassurée : « tu pourras redoubler ta khâgne, il n’y a aucun problème, on sait que c’est difficile ». Mais l’une de ses camarades s’est entendu dire : « Si tu ne rentres pas cette année à Sèvres, nous l’année prochaine on te coupe les vivres ! » La jeune personne en question se met en relation avec Simone de Beauvoir qui paiera son année de redoublement. Nicole sera toute sa vie très attentive aux problèmes sociaux et aux questions féministes.

Entrée à l’ENSJF en 1961 elle choisit d’étudier la philosophie et rejoint la section syndicale du Sgen-CFDT, syndicat où elle militera toute sa vie – elle sera vice-présidente de la section CNU de sciences de l’éducation au début des années 2000. Elle s’intéresse à la psychanalyse, elle lit Freud, plus tard elle lira Mélanie Klein. Elle croise Jean Mosconi, élève de l’ENS de la rue d’Ulm, qui s’intéresse à la philosophie des sciences et en particulier des mathématiques et de l’informatique. Il en fera sa carrière à l’Université Paris I.

Une fois l’agrégation obtenue elle enseigne au lycée, notamment au lycée (pilote) d’Enghien où elle participe à des expériences pédagogiques. Elle décide alors de faire des études de sciences de l’éducation à l’Université de Paris X – Nanterre. En 1984 elle est recrutée comme assistante à Nanterre et y soutient en 1986 une thèse sous la direction de Gilles Ferry, sur « la mixité dans l’enseignement secondaire, un faux-semblant ? ». Elle a aussi entamé une psychanalyse. Elle est titularisée comme maitresse de conférences en 1990 et soutient son habilitation à diriger des recherches en 1992. Michelle Perrot fait partie du jury. En 1994 elle devient professeure, toujours à l’Université de Paris X – Nanterre.

Elle souhaite travailler avec Jacky Beillerot et Claudine Blanchard-Laville, qui y animent une équipe, Savoirs et rapport au savoir (Claudine a fait des études de mathématiques à Toulouse, puis y est devenue assistante de mathématiques avant de rejoindre Nanterre, et comme Nicole, s’intéresse aux sciences de l’éducation et à la psychanalyse).

Ce qui intéresse Nicole c’est la façon dont les rapports sociaux de sexe se combinent avec d’autres facteurs pour influencer le rapport au savoir des élèves et étudiant·es, contribuant à fabriquer les différences de cursus scolaires, universitaires et professionnels, et comment les enseignant·es, souvent à leur insu, tendent à positionner différemment filles et garçons, ceci se traduisant en termes de résultats scolaires et d’orientation.

Elle dirigea avec Claudine Blanchard-Laville et Patrick Geffard la collection Savoir et formation, publiée par les éditions L’Harmattan. Elle est membre du comité de direction de l’Institut Émilie du Châtelet lors de sa fondation en 2006. Elle a été pendant 10 ans membre du conseil d’administration de l’Association nationale des études féministes. Elle a appartenu au comité de rédaction de la revue Recherche et formation et appartient à celui de la revue Travail, genre et sociétés ainsi qu’au comité de lecture de la revue Carrefours de l’éducation.

Elle raconte qu’au moment de soutenir sa thèse en 86 elle était un peu inquiète car son point de vue qui affirmait que l’école n’est pas égalitaire et ne produit pas un modèle féministe ou égalitaire était très peu partagé. Elle reprend aussi la définition de Joan Scott, c’est-à-dire qu’« il n’y a de genre que quand il y a rapport de pouvoir entre les groupes de sexe ». Les récents rapports internationaux confirment malheureusement son point de vue… et, par ses nombreux travaux, Nicole nous donne de quoi répondre aux pourfendeurs des études de genre !

Nicole Mosconi est morte le 6 février 2021.

Références

Notice wikipedia de Nicole Mosconi, consultée le 8 février 2021.

– Laurence Gavarini et Philippe Chaussecourte, Entretien avec Nicole Mosconi, Cliopsy 5 (2011), 99-126. https://www.revuecliopsy.fr/wp-content/uploads/2016/01/RevueCliopsy05-Mosconi-099.pdf

Illustration : Nicole Mosconi, Congrès international des recherches féministes dans la francophonie, (CIRFF) Montréal Août 2015.

Retrouvez ici une des dernières conférences données par Nicole Mosconi, à l’INSPE de Paris en novembre 2020 :

https://pod.inspe-paris.fr/video/0309-nicole-mosconi-le-sexisme-dans-linstitution-scolaire/