Compte rendu de la table ronde : Gouvernance, territoires et développement ? La recherche citoyenne pour de nouvelles formes de démocratie
La table ronde était animée par Paul de BREM, journaliste scientifique.
Synthèse de l’intervention d’Isabelle Collet interviewée par Paul de Brem et des questions de la salle, réalisée par la Région Ile de France.
Paul de BREM présente le PICRI : Les relations entre filles et garçons en cours de maths, français, physique et technologie : collaboration, compétition ou indifférence ?
Ce PICRI s’intéresse à la manière dont les filles et les garçons travaillent ensemble en classe, sujet jusqu’alors exclusivement abordé par les enseignants.
Isabelle COLLET confirme que les travaux sociologiques depuis les années 80 se sont concentrés sur les différentes façons dont les filles et les garçons vivent leur socialisation à l’école. Ces différences sont creusées par les manuels scolaires, les savoirs différents attribués spécifiquement aux garçons ou aux filles, les enseignants. En revanche, si on exclut les relations sentimentales ou amicales, les relations de travail entre pairs n’ont jamais encore été étudiées.
La mixité reçoit un plébiscite quasiment unanime de la part des lycéens. La suite de l’étude confirme a priori cette ouverture : la plupart des lycéens affirment qu?ils travaillent indifféremment avec un garçon ou une fille et qu’ils choisissent leurs groupes avant tout par affinités et non en fonction du sexe des membres du groupe.
Pourtant, la réalité ne confirme pas cette enquête. En effet, l’observation d’un plan de classe distinguant les filles et les garçons montre que les filles s’assoient à côté des filles et réciproquement pour les garçons. Les relations de travail non mixtes dominent à une écrasante majorité les relations mixtes.
Toujours est-il qu’en entretien, filles et garçons prétendent unanimement travailler tous ensemble et maintiennent le cap même lorsqu’on leur démontre preuves à l’appui que ce comportement n’est pas réel. Cette contradiction s’explique assez naturellement : à cet âge, l’enjeu est de montrer que l’on est adulte, ce qui dans leur esprit implique d’avoir des relations pacifiques avec les membres de l’autre sexe. Or, la société des adultes n?est pas tellement plus proche de la mixité. Les métiers restent fortement sexués. Officiellement cependant, cette même société nie produire de la discrimination entre les sexes. Cette contradiction est reproduite au niveau des élèves.
Paul de BREM demande en quoi l’école renforce cette orientation sexuée.
Isabelle COLLET identifie plusieurs facteurs aggravants : on attribue des compétences spécifiques aux garçons et aux filles et on les oblige à s’y conformer pour tenir leur rôle. Pour les inciter à travailler ensemble, il faut une véritable volonté de mixité de la part de l’enseignant. Si les filles et les garçons sont installés côte à côte puis laissés à eux-mêmes, ils tisseront des liens amicaux, mais jamais de liens professionnels. Ils ne ressentent pas spontanément le besoin de travailler avec les membres de l’autre sexe.
Paul de BREM rappelle qu?Isabelle COLLET est chercheur au Centre de recherche Education-Formation à Paris Ouest Nanterre dans l’équipe Genre, savoirs et éducation. Elle appartient par ailleurs à l’association Femmes et mathématiques. Il suppose que le travail avec l’association s’est par conséquent bien passé.
Isabelle COLLET acquiesce. L’association Femmes et mathématiques avait d?ores et déjà l’habitude de travailler avec des chercheurs de façon ponctuelle. Grâce au PICRI, les partenaires ont pu travailler sur trois ans avec des moyens conséquents. Tout ceci a rendu possible l’organisation par l’association d’un colloque. Ce colloque a réuni sur un même lieu le peu de personnes travaillant sur cette question et notamment la responsable québécoise en charge de la réforme de l’enseignement des mathématiques.
Paul de BREM remarque que le Québec est souvent cité en exemple précurseur pour les PICRI.
Un intervenant demande si les relations entre filles et garçons sont dépendantes du sexe du professeur.
Isabelle COLLET atteste qu’il y a très peu de différences. D’ailleurs, les professeurs hommes comme les professeurs femmes pratiquent le même type de discriminations entre filles et garçons en fonction des matières. Par exemple, on observe qu’en cours de mathématiques, les deux tiers des relations professeur-élèves sont dirigées vers les garçons, indépendamment du sexe de l?enseignant.
Une intervenante voudrait savoir si les filles et les garçons plébiscitent dans les mêmes proportions le principe de la mixité.
Isabelle COLLET dénote une légère inflexion au niveau du lycée. En sixième, les filles sont légèrement moins enthousiastes que les garçons vis-à-vis de la mixité, mais cet écart se résorbe en seconde. Prétendre bien s?entendre avec l’autre sexe est un enjeu dépassant les conflits rencontrés avec cet autre sexe.