Joséphine Guidy-Wandja vient d’être honorée du PKD Awards 2023 pour l’éducation supérieure en Côte d’Ivoire.
Son nom vient également d’être attribué à une avenue dans le district d’Abidjan.
Rappelons que Joséphine Guidy Wandja est une mathématicienne ivoirienne née au Cameroun. C’est la première africaine à être titulaire de l’agrégation de mathématiques et d’un doctorat en mathématiques.
C’est aussi une amie et une membre active de l’association femmes et mathématiques.
Brève biographie
Joséphine Guidy Wandja, de nationalité ivoirienne, est née au Cameroun en 1945. Elle y grandit jusqu’à l’âge de quatorze ans, sa famille s’installe alors à Châtellerault. Son père suit de près ses études et l’envoie préparer le baccalauréat Math. Elem. (Mathématiques élémentaires) à Paris, elle y fréquente les lycées Fénelon et Jules Ferry. Elle s’inscrit ensuite à la Faculté des sciences de Paris, sur le site de la « Halle aux Vins », qui se scindera, en 1971, avec la création des universités Paris 6 et Paris 7. Elle suit l’année de « Mathématiques Générales, Physique » (Math. Géné), puis de nombreux certificats de mathématiques.
Conseillée en particulier par Paulette Libermann et Henri Cartan, elle prépare une thèse de troisième cycle sous la direction de René Thom, sous le titre « Sur les courbes convexes fermées du plan et le théorème des quatre sommets », qu’elle soutient en 1971. En 1968 elle a rencontré son futur mari lors d’un bal étudiant ; il l’encourage dans ses travaux et ils se marient après sa soutenance.
Elle commence à enseigner au lycée Jacques Amyot à Melun en 1969, puis prend un poste d’assistante à l’Université Paris 7, mais elle rejoint très vite l’Université d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Elle y croise Jean-Pierre Aubin, un mathématicien né à Abidjan et qui fait partie d’un petit groupe de matheux désireux de faire de la bonne recherche mathématique appliquée à l’économie, groupe qui va investir l’Université Paris IX – Dauphine et créer le Centre de recherche de mathématiques de la décision (Cérémade). Elle prépare alors une thèse de doctorat d’État en mathématiques sous la direction de Jean-Pierre Aubin. Elle la soutient en 1981 à l’Université d’Abidjan. Si le titre reporté par Aubin est « Économie quadratique », le titre enregistré par l’Université d’Abidjan est « Modèles de décision entre investissement en biens fiduciaires et modèles de partage équitable ou théorie du chômage ». Elle est la première femme africaine à obtenir une thèse en sciences mathématiques, que ce soit de 3e cycle ou d’État.
En 1991 elle obtient une bourse Fulbright et part aux Etats-Unis étudier l’économie à l’Université Rutgers (New Jersey). Elle soutiendra à Abidjan une thèse d’État en économie intitulée « La dynamique d’intégration commerciale des pays de l’Afrique subsaharienne : cas de la zone franc ». Il s’agit, bien sûr, du franc CFA, monnaie commune à nombre de pays africains.
Durant sa longue carrière de professeure elle dispense des cours très variés, depuis l’algèbre, analyse et probabilités classiques jusqu’à des enseignements d’économétrie et de mathématiques de la décision en passant par la mécanique générale et la recherche opérationnelle. Ses cours s’adressent aux étudiantes et étudiants de l’Université d’Abidjan comme à celles et ceux de l’École spéciale des travaux publics, l’École nationale d’administration, l’École des statistiques appliquées à l’économie, toujours en Côte d’Ivoire… Elle forme un grand nombre d’étudiantes et étudiants, mais aussi beaucoup d’élues et élus, de cadres d’entreprises publiques ou privées, des administrations, d’institutions locales et internationales, FMI, Banque mondiale… dans un domaine d’influence : les études économiques fondées sur des données chiffrées.
Elle aura aussi une influence considérable d’une autre manière puisqu’elle sera tour à tour conseillère technique du ministre de l’Éducation nationale, directrice de cabinet du ministre de l’Éducation nationale et de la Formation de base, directrice du cabinet du ministre des Petites et Moyennes entreprises, directrice du cabinet du ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche scientifique.
Elle a publié des ouvrage variés : une initiation à la recherche opérationnelle pour les étudiants, un livre sur le même sujet appliqué à l’agriculture, des cours de mathématiques pour le premier cycle universitaire, des recueils de problèmes de brevet ou de baccalauréat donnés dans le monde entier, un ouvrage didactique sur « Les élections démocratiques et les mathématiques » (L’Harmattan, 2020) et aussi, avec le dessinateur Jess Sah Bi, une bande dessinée destinée à encourager les enfants africains à s’intéresser aux mathématiques, intitulée « Yao crack en maths » (Les nouvelles éditions africaines, 1985)…
Elle a donné un très grand nombre de conférences, écrit des articles dans les journaux et fait l’objet de presqu’autant d’interviews. Citons par exemple « Enfant abandonné, quel avenir ? », conférence à la jeune chambre de commerce de la Côte d’Ivoire, « La recherche opérationnelle et les problèmes militaires » à l’invitation du ministère de la Défense, « Le franc CFA n’existe pas » et « La rançon du dollar » dans le journal gouvernemental Fraternité matin, « Rumeurs et mathématiques » dans l’hebdomadaire Ivoire dimanche, « Le rôle des femmes du tiers monde dans le développement de la science et de la technologie », aussi dans Ivoire dimanche, « Les filles et les mathématiques », conférence donnée dans le cadre de la journée mondiale de la science au centre culturel américain, « La science n’a ni sexe ni race » ou encore « Les mathématiques sont issues du monde réel ».
Elle s’est beaucoup investie dans les activités universitaires classiques, enseignement et recherche, mais aussi dans divers organismes et associations, certaines liées à son expertise en mathématiques et en économie, d’autres liées à son humanisme et, bien sûr, aux questions de genre.
Elle est l’une des femmes ivoiriennes susceptibles de représenter son pays dans nombre d’instances internationales. C’est elle qui participe au Conseil de l’Université des Nations unies à Tokyo. Lorsque la représentante d’ONU Femmes en Côte d’Ivoire cherche en 2023 une oratrice lors d’une manifestation sur les femmes et l’innovation, c’est à Joséphine qu’elle s’adresse ; de nombreuses et nombreux ministres de Côte d’Ivoire – Fonction publique, Femmes, Éducation nationale et Alphabétisation… – en ont fait autant. La chaire Unesco pour la culture de la paix l’a nommée en 2023 « ambassadrice de la culture et de la paix ».
Joséphine est membre de la Commission sur les femmes et les mathématiques en Afrique de l’Union mathématique africaine. Elle est aussi vice-présidente pour l’Afrique de l’Ouest d’African Women in Mathematics Association (AWMA), association qu’elle a contribué à fonder lors d’un atelier « femmes et mathématiques » en 2013 en Afrique du Sud. Elle marraine l’Association des jeunes femmes en mathématiques (AJFM) de l’Unité de formation de mathématiques et informatique de l’Université d’Abidjan à Cocody. Elle marraine aussi la Ligue des professeurs de mathématiques des lycées et collèges de Côte d’ivoire.
Elle a reçu diverses décorations : elle est officière des Palmes académiques en France et, en Côte d’Ivoire, commandeure dans l’ordre du mérite de l’Éducation nationale et dans l’ordre national de Côte d’ivoire. Et aussi diplômée d’honneur de l’École normale supérieure d’Abidjan !
Elle vient d’être honorée par le PKD Award 2023 Education Supérieure, prix décerné lors du 1er Forum Repats, qui s’est tenu à Abidjan cette année. Son nom va être donné à une avenue dans un district d’Abidjan, celui de Cocody. Le footballeur Didier Drogba aura son avenue aussi, ce qui ne manque pas d’à propos puisque dans l’une des pages de la bande dessinée « Yao crack en maths » il est question de football !