Anne Canteaut est née en 1970. Elle fréquente un lycée de Dunkerque, puis s’inscrit en classe préparatoire. Elle termine ses années de classe préparatoire avec la ferme intention d’étudier tout… sauf l’informatique. Mais elle entre à l’École nationale supérieure des techniques avancées (Ensta), qui donne un cours d’informatique aux élèves de première année et elle comprend que l’informatique n’est pas cet objet insipide et ennuyeux qu’elle avait imaginé mais une science très vivante, extrêmement variée et qui s’applique à tous les domaines. Elle se passionne pour l’informatique et, à sa sortie de l’Ensta en 1993, entame une thèse – sous la direction de Paul Camion –, qu’elle soutient le 10 octobre 1996 à l’Université Pierre et Marie Curie (Sorbonne Université aujourd’hui). Le titre en est : Attaques de cryptosystèmes à mots de poids faible et construction de fonctions t-résilientes. Ce travail concerne le cryptage des données et leur protection. Il s’agit de cryptographie à clé symétrique où l’on chiffre et déchiffre avec la même clé qui doit donc rester secrète : ce fut, par exemple, le cas du chiffrement, par la machine Enigma, des trajets des sous-marins allemands pendant la deuxième guerre mondiale et leur déchiffrement par le mathématicien anglais Alan Turing (l’informatique, telle que définie aujourd‘hui, n’existait pas encore) a été d’une grande aide pour les alliés.
Elle devient chercheuse à Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) à Rocquencourt, où elle est aujourd’hui directrice de recherche. Elle continue à s’intéresser à la cryptographie durant toute sa carrière, notamment à la conception de logiciels de cryptographie, mais aussi aux méthodes permettent de protéger les utilisateurs et utilisatrices de ces logiciels des intrusions malveillantes. Il s’agit à la fois de trouver les failles d’un système avant que des prédateurs ou prédatrices ne les trouvent et de mettre au point des logiciels de types variés, comme ceux par exemple qui commandent un défibrillateur cardiaque. Elle se préoccupe beaucoup de sécurité informatique et de la sécurité juridique qui va avec ; elle a publié des travaux sur ce sujet, et en 2016 elle dénonce les pressions des services de sécurité américains pour introduire des « portes dérobées » dans les logiciels grand public et affaiblir les systèmes cryptographiques.
Outre ses travaux de recherche et de direction de thèse elle s’implique dans l’édition de revues scientifiques comme le Journal of Cryptology ou Finite Fields and their Applications,mais aussi dans la revueCahiers Droit, Sciences et Technologies et dans l’organisation de la recherche. Elle a par exemple présidé la Commission d’évaluation de Inria de 2019 à 2023 et a présidé le comité de pilotage du programme Fast Software Encryption entre 2012 et 2020.
Elle s’évertue à donner aux jeunes l’envie de s’intéresser à l’informatique, par exemple à travers le concours Alkindi, organisé par les associations Animath et France-ioi pour découvrir la cryptographie, et destiné aux élèves de la quatrième à la seconde.
L’Université de Bergen (Norvège) lui a décerné un doctorat Honoris Causa en 2019, année où elle est aussi nommée chevalière de la Légion d’honneur sur proposition du ministère de l’Économie et des finances. En 2021 elle reçoit le prix Cyber Chercheuse décerné par le Cercle des femmes de la cybersécurité.
En novembre 2023 elle a reçu le prix Irène Joliot-Curie dans la catégorie Femme scientifique de l’année, prix décerné par le MESR avec le soutien de l’Académie des sciences et celle des technologies.
Lors d’un entretien accordé à cette occasion à l’AFP, le 25 novembre 2023, elle qualifie de « terrible » la place accordée aux femmes dans les sciences et critique vivement la réforme du baccalauréat de 2019, qui a fait plonger le nombre des filles étudiant les mathématiques ; elle se désole du système d’attribution des chaires de professeur junior, qui aboutit à des recrutements essentiellement masculins, ainsi que des difficultés rencontrées par les étudiant·es qui peinent à obtenir des bourses de thèse… avec lesquelles elles et ils arrivent au mieux à louer une « chambre de bonne » et de bien d’autres choses encore.