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Lettre ouverte aux petites et aux jeunes filles afghanes

femmes et maths soutient la lettre ouverte aux petites et aux jeunes filles afghanes

Soheila, tu es sur le pas de ta porte à Kaboul et tu pleures. Ton père t’a conduite à l’école ce matin et la porte était close. Depuis six mois, tu tentes de continuer à apprendre sur écran ou sur livre ; tes parents te soutiennent mais cet enfermement te pèse. Tu rêves de soleil sur ta peau, de courir dehors, de faire exulter ton corps ; tu voudrais retrouver tes amies, discuter, rire et vous fâcher ; tu rêves de faire de la musique ou du sport avec d’autres. Tu es enfermée. 

Taïba, tu es sur le pas de ta porte dans un village loin de Kaboul et tu pleures. Depuis six mois tu es restée chez toi, sans accès aux réseaux. Ton ancienne institutrice a bien tenté de conserver le lien avec des livres mais c’est dur. Ton foyer est chaleureux, tu as de la chance ; d’autres sont violents. Tu es enfermée.

Laïla, Donya, Zahar, Taheret, nous pleurons avec vous. Les oukases barbares des talibans, la domination patriarcale dans ce qu’elle a de plus révoltant vous ont frappées là où se forge votre humanité : la liberté de disposer de votre corps et l’accès au savoir. Vous vouliez être actrices du monde et, au nom du sexisme le plus abject qui proclame la supériorité des hommes sur les femmes, vous vous retrouvez citoyennes de seconde zone, rendues délibérément esclaves dans vos corps et vos cerveaux.

Nous voudrions que vous voyiez nos mains tendues et nos sourires. Vous ne les verrez pas. Nous pleurons mais nous sommes surtout révoltées ; révoltées par le sort fait à des milliers de petites filles et adolescentes, révoltées par ce gâchis de talents et de chances. Nous savons que les femmes sont peu décisionnaires sur la scène internationale, malgré ce terme de diplomatie féministe que nous tentons de promouvoir, malgré les exercices multilatéraux déplorant la place des femmes dans les organisations internationales, comme dans le programme “femmes, paix et sécurité”. Mais décisionnaires ou pas, nous voulons toutes que nos pleurs et notre révolte envahissent le champ des consciences et se transforment en nouvelles exigences portées au niveau international pour que les talibans ouvrent l’école aux filles et plus largement les métiers aux femmes. Nous les talonnerons pour ce faire.

Bousseh, Kimia, Fatemah, Parvin, nous voulons aussi que vous parvienne, sous une forme ou sous une autre, notre conviction profonde que la force des femmes peut faire fléchir les puissants ; que la barbarie n’est pas une fatalité ; que la solidarité et la lutte pour faire reculer la domination patriarcale, sous ses formes les plus obscurantistes comme sous ses formes moins visibles, est un combat que les femmes du monde entier et nombre d’hommes, nous l’espérons, ne lâcheront jamais. Il y va de notre condition d’être humain.