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Comité de consultation sur les mathématiques

Les associations femmes et mathématiques, Femmes & Sciences ont été auditionnées le mercredi 23 février 2022 de 11h à 12h30 par la DGESCO.

En voici un compte rendu élaboré à partir des notes prises par Anne Boyé, Laurence Broze et Véronique Slovacek-Chauveau.

Téléchargez ici le document. Téléchargez ici le rapport produit par ce comité.

Les associations étaient représentées par :

  • Anne Boyé (femmes et maths)
  • Laurence Broze (femmes et maths)
  • Viviane Durand-Guerrier (femmes et maths)
  • Evelyne Nakache (Femmes & Sciences)
  • Isabelle Pianet (Femmes & Sciences)
  • Véronique Slovacek-Chauveau (femmes et maths).

Le comité d’audition était composé ainsi :

  • Marie-Paule Cani,
  • Stanislas Dehaeane,
  • Brigitte Hazard,
  • Pierre Mathiot,
  • Jean-Charles Ringard,
  • Olivier Sidokpohou,
  • Nathalie Sayac,
  • Charles Torossian

ainsi que Sophie Béjean.

Pierre Mathiot préside la réunion, annonce qu’il a peu de temps et indique qu’un très grand travail a été fait sur les inégalités entre les filles et les garçons ainsi qu’en témoigne la littérature. La lettre de mission du comité d’audition est vaste. Il propose qu’on se concentre sur la partie de la lettre consacrée aux femmes. Il est clair pour lui que le problème ne commence pas au lycée. Il aimerait savoir ce que nous proposons pour améliorer les choses.

Il indique qu’une étude récente du Ministère montre que moins de filles font des maths en terminale mais que la part d’entre elles se dirigeant vers les classes préparatoires est plus grande que celle venant précédemment de la filière S. Il nous dit qu’Olivier Sidokpohou est prêt à partager ces chiffres avec nous.

Anne Boyé remercie le ministère de construire tous ces chiffres que nous utilisons et connaissons déjà. Elle indique que nous ressentons un grand malaise à la fois pour le devenir des filles et aussi pour celui des garçons, suite à la réforme. Il y a en effet un déséquilibre de fait entre la part accordée aux lettres et sciences humaines et celle accordée aux sciences dans le tronc commun. Et même si un.e élève choisit trois spécialités scientifiques, le déséquilibre persiste. Ce qui nous inquiète particulièrement c’est le constat que le pourcentage de filles choisissant la spécialité maths en première est très inférieur à celui des garçons, et que cette part de filles faisant des maths a donc largement baissé avec la réforme du lycée.  Le problème s’accentue en terminale avec un abandon plus large de la spécialité maths, sachant que l’option maths complémentaires, qui n’est qu’une option,  est jugée insuffisante dans l’enseignement supérieur pour de nombreuses filières, à commencer par médecine ou les écoles de commerce.

C’est préjudiciable pour l’avenir professionnel des filles qui se privent ainsi de larges débouchés, c’est aussi préjudiciable pour l’avenir de la nation car nous avons besoin de scientifiques. Cela se conjugue avec le non choix très large de la spécialité maths par les lycéennes et lycéens des classes sociales les moins favorisées. Ce qui démontre qu’il ne s’agit pas de choix selon ses goûts mais selon des influences sociales et familiales diverses, couplées à un manque d’information, à un âge où les adolescent.es sont très sensibles aux stéréotypes.

Pierre Mathiot indique qu’il n’est pas possible de maintenir une troisième spécialité en terminale, cela ferait trop d’heures pour les élèves. En ce qui concerne le tronc commun, il se dit prêt à nous donner les coordonnées des représentants des autres disciplines pour que nous discutions directement avec eux.

Laurence Broze précise que l’adolescence est un moment-clé dans la construction de l’identité sexuée des filles et des garçons. C’est aussi une période très importante de l’orientation et des choix professionnels. Les filles doutent de leurs compétences, éprouvent une plus grande incertitude concernant le choix de leur métier et se soucient de leur conformité aux normes de sexe. De nombreuses études montrent que les filles s’orientent vers des matières où elles se sentent à leur place et évitent les matières considérées comme masculines. De même les garçons évitent les matières considérées comme féminines. C’est sans doute ce qui expliquent que, dès la première, 45% des filles renoncent à tout enseignement de mathématiques alors que ce n’est le cas que de 25% des garçons. Les garçons sont mieux préservés de ce type de choix stéréotypés puisque les lettres et les langues figurent dans les matières obligatoires. Lorsqu’il y a des choix à faire, il est illusoire de penser qu’ils sont libres, surtout à l’adolescence.

Pierre Mathiot conclut que le tronc commun est, en quelque sorte, genré puisqu’il préserverait les garçons de cet effet ? Laurence Broze confirme et indique la nécessité d’avoir des mathématiques obligatoires pour les filles et les garçons. Stanilas Dehaene suggère qu’il pourrait y avoir deux spécialités de mathématiques en première et que chaque élève doive en choisir une.

Pierre Mathiot revient sur les 54h consacrées à l’orientation et Sophie Béjean indique que ces heures ne sont pas suffisamment exploitées. Nous faisons remarquer qu’elles sont souvent sacrifiées faute de moyens suffisants pour répondre à toutes les demandes qui incombent aux enseignant.es et/ou à l’administration, et que par ailleurs, les enseignant.es ne sont pas formé.es à l’orientation. Il n’y a plus de conseiller.ères d’orientation dans les lycées. 

Pierre Mathiot intervient pour annoncer que Sophie Béjean, Claude Roiron et Jean-Charles Ringard ont produit un rapport et qu’il va nous le faire parvenir si nous ne le connaissons pas. Laurence Broze intervient dans le chat pour dire que nous connaissons ce rapport, qu’il est en ligne et donne le lien. Pierre Mathiot indique alors que si certaines d’entre nous ne le connaissent pas, Sophie Béjean peut sans doute nous le présenter. Isabelle Pianet confirme ne pas avoir connaissance de ce rapport. Sophie Béjean présente donc en détail son rapport « Faire de l’égalité filles-garçons une nouvelle étape dans la mise en œuvre du lycée du XXIe siècle », avec ces cinq « leviers d’action » :

  • Un pilotage volontariste des politiques d’égalité filles-garçons au niveau national et au niveau établissement
  • Une communication en direction des jeunes visant la mixité des formations et métiers
  • Une orientation proactive du lycée à l’enseignement supérieur
  • Une pédagogie inclusive pour les filles et les garçons
  • Une formation initiale et continue des enseignants et des cadres afin de mieux prendre conscience de l’impact des gestes professionnels sur les stéréotypes de genre et les parcours de formation des élèves.

Jean-Charles Ringard insiste sur l’importance des gestes professionnels des enseignants. Ceux-ci ont une très grande influence.

Pierre Mathiot fait remarquer que le temps passe et nous demande ce que nous proposons sur la thématique « filles et maths » pour remédier à la situation actuelle.

Véronique Slovacek-Chauveau fait remarquer que plusieurs des personnes présentes dans cette audition ont participé à l’élaboration de la réforme et y ont passé beaucoup de temps. Et malgré les mises en garde que nous avions lancées et qui se sont révélées judicieuses, les choix qu’ils ont faits sont maintenus Nous n’avons rien à proposer d’immédiat pour remédier à la situation actuelle. Il faut pouvoir mettre en route un travail de fond.

Charles Torossian propose de s’accorder sur une action concrète. Celle-ci pourrait s’appuyer sur une des suggestions du rapport : « atteindre un objectif cible de 30 % au moins de mixité dans les enseignements de spécialité, les séries technologiques et les filières post-bac d’ici 3 ans, qui se déclinera du niveau national au niveau académique et dans les outils de pilotage des établissements ».

Laurence Broze intervient pour signaler que 30% est un chiffre dérisoire, qu’il y a 56% de filles en première et 44% de garçons. Si on voulait se fixer une cible avec un objectif chiffré, ce qu’elle ne soutient pas, il vaudrait mieux prendre : « 75% des filles poursuivent les maths en première, comme les garçons ».

Evelyne Nakache confirme que 30% est une cible qui n’a pas beaucoup de sens.

Anne Boyé ne soutient pas non plus ce genre d’objectif qui ne repose que sur le travail des professeurs et qu’il vaut mieux repenser les structures, ce qui ne peut se régler en quelques jours. Elle confirme donc notre demande d’une réflexion en profondeur avec la constitution d’une commission composée en grande partie des acteurs et actrices de terrain en vue d’une bonne réforme.


Pour aller plus loin, quelques références :

Il apparaît aussi que les filles à partir de quinze ans, dans la période très importante de l’orientation et des choix professionnels, commencent à douter de leurs compétences, éprouvent une plus grande incertitude concernant le choix de leur métier et se soucient de leur conformité aux normes de sexe (Mosconi & Stevanovic, 2007). Le sentiment de compétence (Bandura, 2003) peut contribuer à déterminer le choix professionnel lié au sexe. Les filles expriment un sentiment de compétence plus élevé pour les métiers dits « féminins » (soin, social, éducation) alors que les garçons ont un sentiment de compétence plus élevé pour les métiers traditionnellement « masculins »